Un avis d’expert signé de Christophe Stern, DSI & CDO, Conseil et Management de Transition chez Digital Sapiens.

Etre DSI aujourd’hui c’est accompagner et devancer la transformation numérique de l’entreprise. Mais si l’impulsion ne vient pas du DSI celui-ci pourrait se voir cantonné dans un rôle de simple « acheteur éclairé » ou d’« urbaniste du SI ». Un moyen pour le DSI de garder la main : anticiper la création d’un « lab » avant de se le faire imposer.

Pourquoi le lab est une bonne approche dans le schéma d’innovation du DSI

« Rien n’est permanent sauf le changement ». Cela devrait être la devise de toute entreprise souhaitant plonger dans la transformation digitale. Pilotée par un Open Lab, c’est d’autant plus vrai, d’autant plus moderne… Et pourtant cette devise a été gravée sur une tablette de pierre par Héraclite d’Ephèse il y a 25 siècles !

On entend de plus en plus parler du concept d’Open Lab. Certains se sont même essayés à le définir : un lieu favorisant l’innovation où chacun peut s’essayer à créer sur des thèmes très divers. J’aimerais vous proposer une autre définition. Si on considère que l’open data est de la donnée accessible par tous et de toute part, pourquoi limiter l’open lab à un lieu précis ? Un open lab ne devrait pas être un fab lab (qui porte en lui le concept d’usine, totalement aval au concept d’innovation puisqu’il désigne la chaîne de fabrication dont le but est de produire de l’innovation de façon massive). Un open lab ne devrait pas être un espace de co-working (l’homogénéisation du microcosme culturel que l’on peut constater au sein d’un espace de co-working, s’il crée pourtant une micro culture, est insuffisant pour favoriser l’émergence d’une culture de l’innovation).

Alors que devrait être un open lab ?

Des personnes innovantes qui peuvent se déplacer dans le monde ? Certes, mais pas si évident. En effet, la radio en son temps, puis la télévision, puis internet nous entravent dans notre quête de découverte du monde : nous pensons comprendre l’ailleurs et les autres parce que nous voyons des vidéos ou surfons sur le net. Mais qu’en est-il de la véritable expérience ? Ou encore : que pourrait nous apporter de plus la véritable expérience ? La découverte anthropologique est-elle nécessaire à la pleine compréhension de l’objet de son étude ?

Il est vrai que le temps des anthropologues de Malinowski à Lévi-Strauss semble révolu… Et pourtant… Pourtant quelle est l’essence de l’innovation sinon le fait d’échanger à l’image des neurones avec d’autres neurones / d’autres humains, sinon le fait d’échanger des expériences, sinon le fait de changer de point de vue.

Changer de point de vue : la terre est restée plate des siècles et des millénaires entiers ; personne ne changeait de point de vue. Est-il fou de penser que la télévision, puis internet nous confinent à des points de vue homogènes ?  Les moyens technologiques sont bien évidemment nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants pour réellement créer.

Avec la tendance actuelle : qui porte les bonnes idées ?

Avant la vague actuelle du « CDO », la tendance en 2005-2010 était déjà aux directions ebusiness. Quelle que soit la prochaine vague, le DSI doit faire attention de ne pas s’engluer dans ses ERP, des développements spécifiques et s’enfermer dans l’urbanisation. Comment faire : en se rapprochant des métiers et surtout en revenant au sens du métier, et en ne traitant pas que le courant mais aussi l’avenir.

Etre DSI aujourd’hui c’est aussi (en plus de son rôle classique) accompagner et devancer la transformation numérique de l’entreprise. Que se passerait-il si le DSI ne prenait pas en charge ce rôle ? La nature ayant horreur du vide, fort est à parier que ce rôle deviendrait l’apanage d’une autre direction. Marketing, Communication, RH, toutes peuvent accueillir le rôle de CDO.

Etre CDO, c’est être le réceptacle de l’héritage des dernières innovations du SI : Internet, puis NTIC, puis eBusiness, puis 2.0… autant de qualificatifs pour exprimer des éléments modernes (à leur époque respective) du SI. Etre CDO, c’est porter cet héritage mais aussi porter son application au sens métier. Mais quel métier serait le plus désigné pour incarner une telle chose ? En fonction du secteur d’activité et de la culture d’entreprise, le marketing, la communication, les RH, voire certains métiers « cœur de métier » sont des candidats crédibles. Le fait que la DSI ne soit plus l’unique candidat peut interpeler : c’est qu’elle ne donne plus confiance à l’entreprise pour être la seule à la représenter totalement sur ces questions.

Quel rôle pourrait bien jouer l’Open Lab dans ce tableau ?

Le DSI est le plus légitime pour prôner la création d’un Open Lab : nous parlons d’une approche de création de composants technologiques à valeur métier. C’est l’héritage des MOA du début des années 2000, couplé à l’innovation technologique assimilée par des ingénieurs SI dont il est ici question. Pas d’Open Lab si on ne maîtrise pas l’apport de la technologie. L’Open Lab pouvant par ailleurs très bien aboutir à substituer des fonctions métiers par des capacités technologiques. Il est fortement question de l’innovation par apport de nouvelles technologies (évidemment, le postulat sous-jacent est qu’une entreprise cliente utilisera plutôt une technologie développée par une société dont c’est le métier : un GAFA ou autre éditeur, afin de l’appliquer à son métier).

Ainsi, le paradigme n’aurait pas forcément tant changé : le DSI pour maintenir son influence devrait « simplement » rester au niveau des innovations technologiques. C’est d’autant plus vrai pour les DSI français que la France brille de tous ses feux dans la Silicon Valley. Créer un Open Lab ne serait donc pas anodin, ce serait réaffirmer sa part d’innovation à la DSI, elle matérialiserait ainsi qu’elle ne serait plus seulement une usine à produire, mais aussi une source réelle d’innovation.

Suite de cet article : « 7 étapes essentielles pour réussir votre open lab ».

 

 

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